dimanche 28 novembre 2010

L'acharnement thérapeutique: un concept simple?

Bonjour à tous,

Hellpharmacist m’a demandé de contribuer à son blogue après que je lui aie parlé d’une conférence particulièrement intéressante à laquelle j’ai assisté cette semaine.
Je me suis laissée convaincre assez facilement, étant sa blonde, mais il faut admettre que, dans mon ancienne vie, j’aimais bien écrire, moi aussi.

Ainsi donc, je lui racontais, ce matin, que nous avions reçu un avocat éthicien comme conférencier cette semaine. La conférence portait sur les soins intensifs et les soins palliatifs, qui sont assez souvent intimement liés, aussi bizarre que ça puisse paraître pour certains d’entre vous.

Ce qui avait particulièrement attiré mon attention était que le code civil du Québec ait prévu que, dans l’exercice du consentement substitué, un acharnement thérapeutique ne puisse pas être demandé.

Le consentement substitué est celui qu’on obtient d’une tierce personne quand le patient, donc celui qui doit recevoir les soins médicaux, n’est pas en mesure de le donner lui-même (parce qu’il est inconscient, inapte à juger pour diverses raisons, etc.) La personne qui donne le consentement a également le devoir d’agir dans le seul intérêt de la personne pour qui elle consent. Vous comprendrez donc que ce qui constitue un acharnement thérapeutique va à l’encontre du meilleur intérêt du patient.

C’est donc de la notion d’acharnement thérapeutique dont j’ai le goût de discuter avec vous aujourd’hui.

Certains d’entre vous ont-ils une idée de ce que constitue l’acharnement thérapeutique? Lorsque je demande aux patients que nous hospitalisons, peu importe la raison et la gravité de leur état, s’ils désirent être réanimés advenant un arrêt cardio-respiratoire, plusieurs me répondent : «Je ne veux pas d’acharnement», comme si ça allait de soi. Devons-nous comprendre que toute manœuvre de réanimation constitue un acharnement? Cela dépend-il plutôt du contexte? De la maladie? De l’âge du patient? De sa qualité de vie antérieure? J’utilise l’exemple de la réanimation, mais il pourrait s’agir de tout autre traitement (chirurgie, chimiothérapie, antibiothérapie…)

De nos, jours, la plupart des gens accordent une importance plus grande à la qualité de la vie qu’à sa durée. Mais qu’est-ce qu’une vie de qualité?

Il y a acharnement quand les mesures utilisées sont disproportionnées par rapport au résultat attendu en fonction du pronostic. Pour compliquer les choses, le sens de cette relation peut s’inverser pour un même patient, au cours d’un même épisode de soins.

J’illustre avec un exemple. Votre grand-père a 86 ans. Il est autonome, conduit encore son automobile et revient tout juste d’un voyage de pêche. Il ne prend que quelques médicaments, entre autres pour son diabète, et est encore très vif d’esprit. Vous l’emmenez à l’urgence car il fait de la fièvre et vient de perdre conscience en se levant. On vous explique, à l’urgence, que votre grand-père a une pneumonie bactérienne, et qu’il a fait une baisse de pression car la bactérie circule dans son sang. Il a également développé une détresse respiratoire et il aura besoin sous peu d’un respirateur. On vous explique également que le taux de mortalité est assez haut pour cette condition mais que, compte tenu de la bonne santé antérieure de votre grand-père, il a des chances de s’en sortir sans trop de séquelles. Il n’est pas en état de consentir lui-même aux soins actuellement et on vous demande donc à vous ce que votre grand-père voudrait qu’on fasse : le brancher au respirateur et l’hospitaliser aux soins intensifs avec des traitements maximaux en espérant qu’il s’en sorte, ou bien lui donner seulement des antibiotiques en sachant qu’il a moins de chances de s’en sortir. Votre grand-père ne vous a jamais fait part de ses volontés dans une telle situation mais, comme le médecin vous a dit qu’il avait des chances de s’en sortir, vous consentez aux soins.

Dans cette situation hypothétique mais néanmoins plausible, les protagonistes ont jugé que les mesures mises en place (respirateur, soins intensifs) en valaient la peine si cela permettait que le grand-père s’en sorte sans séquelle importante (donc avec une bonne qualité de vie).

Après deux jours aux soins intensifs, son état est stable, bien que précaire. On commence à diminuer les doses des médicaments qui maintenaient une pression artérielle adéquate et on parle de peut-être retirer le respirateur d’ici la fin de la semaine. Or, deux jours plus tard, il nécessite de plus en plus d’oxygène et le médecin vous explique qu’il y a une importante réaction inflammatoire dans ses poumons et que le taux de mortalité de cette condition est encore plus important que celui de la pneumonie. Comme il a encore une chance de s’en sortir, le médecin et vous êtes d’accord pour poursuivre le traitement maximal.

Or, de jour en jour, sa situation au plan respiratoire ne s’améliore pas. Il est maintenant sous respirateur depuis près de deux semaines, a perdu beaucoup de masse musculaire et, de plus, il a été victime d’un accident cérébro-vasculaire qui le laissera avec une faiblesse du côté gauche de son corps. Le médecin vous explique alors que, si votre grand-père survit, il aura une longue réadaptation avant de sortir de l’hôpital et qu’il ne sera très probablement plus autonome, et que ses chances de survie, quoique toujours existantes, sont encore plus minces. Votre grand-père a toujours dit qu’il ne voulait pas de voir diminué et qu’il ne voulait pas être «placé».

Les soins sont-ils toujours proportionnés? Doit-on continuer de les prodiguer tant et aussi longtemps que le grand-père est en vie? Et si son cœur s’arrête, on le laisse partir ou on le réanime?

Je vous laisse le soin de vous prononcer. En une pareille situation, la décision est prise conjointement par le médecin et la famille du patient, dans son meilleur intérêt, et en tenant compte de la notion d’acharnement, qui n’est pas toujours facile à définir, mais qui n’en demeure pas moins partie intégrante de l’art qu’est la pratique de la médecine. C’est ce que je voulais illustrer ici.

1 commentaire:

  1. Juste une petite précision suite une diner-conférence du conseil de bio-éthique du CSSS de Chicoutimi, la section ''volonté de fin de vie'' dans le mandat en cas d'inaptitude n'a aucune valeur légale et ne doit pas nécessairement être respectée par la famille/équipe de soins. Il est donc conseillé d'éclaircir le sujet avec le mandataire et l'ensemble des proches lors de la rédaction du mandat en cas d'inaptitude.

    RépondreSupprimer